Sécheresse : et si l’eau venait à manquer en France ?
Le point sur la situation en France et en Europe
Alors que 75 départements français ont été touchés par un épisode de sécheresse d’une durée exceptionnelle (mi-novembre 32 restaient frappés de restrictions d’usage) et que l’année 2018 pourrait entrer au palmarès des années les plus chaudes, France Inter a consacré le 15 novembre une journée spéciale à ce phénomène.
Marillys Macé, directrice du C.I.eau, était invitée au micro de Fabienne Sintes dans l’émission Le Téléphone Sonne, au côté de Bernard Barraqué, Directeur de recherches émérite au CNRS sur les ressources en eau.
Le réchauffement climatique va-t-il poser des problèmes d’accès à l’eau en France ? Peut-on mieux traiter, stocker et préserver l’eau ?
À un auditeur pointant l’usage parfois excessif de l’eau pour arroser les jardins au plus fort de l’été, Marillys Macé a rappelé que des arrêtés interdisant l’arrosage des pelouses sont souvent pris en période de forte chaleur. Ceux-ci sont fréquemment assortis d’amendes pour les contrevenants. Cependant, a-t-elle nuancé, « on observe depuis quelques années un mouvement des consommateurs qui tendent à devenir de plus en plus éco-responsables » en réponse aux épisodes de sécheresse à répétition.
« Dans la plupart des villes européennes, la consommation d’eau domestique baisse depuis les années 1990-2000 alors que la population tend à augmenter » a ajouté M. Barraqué. Ceci en raison de la prise de conscience des individus et au recours à des appareils à plus faible consommation d’eau.
Ne pourrait-on pas recycler ses propres eaux usées pour certaines utilisations, notamment les chasses d’eau ? De tels systèmes existent déjà, selon la directrice du C.I.eau. Ils sont strictement encadrés pour éviter tout risque sanitaire. Ainsi, l’usage d’eaux usées pour la lessive est totalement proscrit.
Si l’arrosage automatique des parcs et jardins a déjà été mis en place dans de nombreuses grandes villes pour permettre d’arroser la nuit et limiter ainsi l’évaporation, l’arrosage nocturne des terres agricoles pourrait être une piste d’économie de la ressource.
Qui dépense le plus d’eau ? L’agriculture ? Nos modes de vies urbains ? L’industrie ?
Marillys Macé et Bernard Barraqué s’accordent à dire que les équilibres sont assez constants, le plus gros consommateur d’eau en France étant EDF, pour le refroidissement des centrales électriques thermiques et notamment nucléaires. Cependant cette eau retourne rapidement à la nature avec une faible évaporation, contrairement à l’eau utilisée par l’agriculture.
« La France est un pays très privilégié et nos ressources nous suffisent largement à couvrir nos besoins, » affirmait Mme Macé. « Cependant, il existe des périodes de tension dans certaines régions, aggravées par le réchauffement climatique. »
Pour Bernard Barraqué, le stockage de l’eau pour faire face aux périodes de sécheresse est une solution difficile à mettre en place. Il faudrait pour cela stocker de grandes quantités d’eau pendant suffisamment longtemps pour combler les manques causés par des épisodes de plus en plus longs. La récupération de l’eau de pluie est beaucoup moins avantageuse que l’accumulation de petits gestes du quotidien tels que l’utilisation d’appareils électroménagers peu gourmands en eau. « Aujourd’hui, l’on sait parfaitement que l’effet du changement climatique va être la prolongation et l’aggravation des épisodes de sécheresse aussi bien que des inondations. »
Ces deux extrêmes ont été observés cette année en France dans différentes régions.
Faut-il réfléchir à une agriculture différente ?
Ces questions sont déjà étudiées par des centres techniques qui imaginent de nouvelles solutions d’irrigation pour économiser la ressource. Cependant, pour Marillys Macé, il ne faut pas se focaliser sur les agriculteurs, qui sont les premiers à souffrir des épisodes de sécheresse. « Il faut savoir que les acteurs de l’eau, les collectivités, les entreprises de l’eau ont des solutions à proposer. » À commencer par la récupération des eaux usées, longtemps considérées comme des déchets, mais aussi la recherche de fuites dans les canalisations. Le rendement, aujourd’hui estimé à 80 % , s’est fortement amélioré ces dernières années : les entreprises de l’eau disposent de capteurs permettant d’identifier très rapidement l’apparition d’une fuite.
Nos habitudes de consommation en question
Par ailleurs, parmi les petits actes du quotidien les plus efficaces, le premier est le repérage des fuites. Une chasse d’eau qui fuit et ce sont 220 m3 d’eau par an qui sont perdus, soit la consommation de 4 à 5 personnes !
Viennent ensuite d’autres gestes bien connus comme préférer la douche au bain et le renouvellement des appareils électroménagers par des modèles plus économes. La directrice du C.I.eau encourage également les Français soucieux de leur consommation d’eau à examiner leurs choix alimentaires et à faire la chasse au gâchis : la production des aliments que nous consommons et que nous jetons parfois ont nécessité de grandes quantité d’eau (par exemple : 2900 litres pour un hamburger, moitié moins pour une pizza). Il en va de même pour le textile de nos vêtements. Nos choix quotidiens ont un impact : on parle alors de l’empreinte de l’eau.
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