L’eau potable pour tous, une conquête récente
Date de publication : 26 juin 2018 | Dernière modification : 4 juillet 2024
Panorama des civilisations antiques :
L'eau, berceau des grandes civilisations
Toutes les grandes civilisations se sont développées dans les vallées des grands fleuves.
On a coutume de dire que tout à commencer en Mésopotamie (Meso: entre / potamos : fleuve) « le pays entre les deux fleuves » ; le Tigre et l’Euphrate. Les premières formes d’agriculture apparaissent et s’épanouissent grâce à la mise en place de systèmes d’irrigation. L’eau était amenée vers les zones cultivées par des canaux.
On y trouve la trace des premiers puits en 6 000 av. J.-C.
Le chadouf, première machine élévatrice, y apparaît au IIIe millénaire. Les premiers barrages apparaissent en Égypte.
Au ᴠɪe siècle av. J.-C., le roi de Perse Nabuchodonosor II entreprend la construction des jardins suspendus de Babylone. L’eau qui permettait de les arroser était puisée dans l’Euphrate et élevée d’étage en étage grâce à une série de pompes actionnées par des esclaves.
En 700 av. J.-C., le roi assyrien Sennachérib se fait construire à Ninive un palais alimenté par de l’eau de montagne acheminée par un canal de plus de cent kilomètres en pierre étanchéifié avec du goudron.
Les sites de Mohenjo-Daro et Harappa, témoignages de la civilisation de l’Indus (2500 à 1500 av. J.-C.), révèlent l’existence de maisons équipées de douches et de piscines.
En 2500 av. J.-C., les Crétois mettent au point les premiers ouvrages d’adduction d’eau avec des tuyaux en terre cuite amenant l’eau dans les maisons.
Le palais de Cnossos, par exemple, bénéficie de l’eau courante et est équipé de fontaines et de salles de bain avec baignoire en terre cuite.
Durant la période hellénistique, les Grecs inventent le système du siphon inversé qui permet aux adductions de franchir les vallées.
On attribue à Archimède (287 – 212 av. J.-C.) l’invention de la vis comme élément de relevage de l’eau.
Plus tard, les Romains ont mis au point de nombreuses techniques souterraines et aériennes pour capter les eaux et les conduire jusqu’aux villes.
En 312 av. J.-C., le premier aqueduc l’Aqua Appia amène l’eau dans Rome au moyen de canaux maçonnés. Ils construisent également un réseau d’aqueducs pour approvisionner les différentes régions et provinces.
À la fin de l’Empire, on recense à Rome 11 aqueducs gérés par une administration très importante.
Les vestiges d’aqueducs romains les plus connus sont le pont du Gard situé dans le sud de la France et l’aqueduc de Ségovie en Espagne. L’eau était ensuite acheminée au cœur des villes par des conduits en plomb.
Les Romains exploitent et améliorent sans cesse les inventions des peuples qu’ils conquièrent.
Au milieu du premier siècle av. J.-C., ils adaptent ainsi la noria*, sorte de roue à godets servant à élever l’eau, dont le premier exemple connu fonctionnait chez Mithridate, roi du Pont, l’actuel Bosphore.
Cette machine hydraulique permet d’élever l’eau grâce au courant du fleuve. La roue en bois munie de godets tourne comme un moulin au rythme du fleuve. Hissée au sommet de la noria, l’eau est déversée dans un aqueduc.
Enfin, l’eau était également au centre de la vie sociale romaine : fontaines publiques, bains et thermes somptueux.
Histoire de l'eau courante en France
De la période gallo-romaine, il reste de très beaux témoignages de la distribution de l’eau dans les villes.
Lyon conserve des vestiges des 250 kilomètres d’aqueducs qui, au ɪer siècle av. J.-C., acheminaient quotidiennement vers la capitale des Gaules 80 millions de litres d’eau.
Le Pont du Gard, un des ouvrages du réseau d’alimentation de Nîmes, atteste de façon spectaculaire la maîtrise technique des Gallo-Romains en matière de distribution d’eau. Nombre d’ouvrages sont détruits ou endommagés lors des invasions barbares.
Au Moyen Âge, nul château fort, monastère, ferme ou village, ne s’installait loin d’un point d’eau. Les moines cisterciens s’illustrent dans la maîtrise des techniques hydrauliques. Mais l’essor urbain de la seconde partie du Moyen Âge engendre des difficultés d’approvisionnement nouvelles.
Les bourgs attirent une population toujours plus importante, l’alimentation en eau des familles se dégrade tant au plan de la qualité que de la quantité, et les principes d’hygiène en viennent à être négligés.
En fait, dans les villes, bien avant les particuliers, ce sont les activités artisanales qui commandent l’utilisation de l’eau. Les teintureries et les mégisseries, par exemple, s’installent au bord des cours d’eau, qu’elles souillent, afin d’effectuer toutes les opérations nécessaires à leur pratique.
Parallèlement, les sources locales deviennent insuffisantes et les puits sont souvent corrompus par les infiltrations. L’absence de réseau d’égouts ne fait que renforcer ce cercle vicieux.
En France, jusqu’au xᴠɪɪɪe siècle, l’eau abondante « à domicile » reste le privilège des palais, des couvents, des abbayes et des hôpitaux.
Pour la majorité de la population, il y a soit la fontaine publique, soit l’eau directement puisée aux fleuves, aux rivières et aux puits.
Ainsi, vers 1750, 2 000 porteurs d’eau à Paris formaient une corporation puissante. L’eau de la Seine fournissait alors à la capitale l’essentiel de sa consommation, une eau peu propre à l’alimentation humaine, cause de nombreuses épidémies.
Le xɪxe siècle : L'eau au robinet pour tous
Au milieu du xɪxe siècle, la généralisation de la machine à vapeur rend possible la réalisation de réseaux d’adduction sous pression desservant les logements individuels. Sous le Second Empire, l’arrivée du baron Georges Eugène Haussmann (1809-1891) à la préfecture de Paris agit comme un accélérateur.
Le préfet Hausmann confie à Eugène Belgrand (1810-1878), ingénieur et géologue, la responsabilité du service des eaux et des égouts de Paris. La capitale se lance alors dans de grands travaux, le système de canalisations (de distribution) connaît un développement extraordinaire, chaque immeuble, chaque maison de la capitale bénéficie de l’eau courante. C’est aussi à lui que l’on doit le réseau de tout-à-l’égout de la capitale.
À sa suite, la plupart des villes réexaminent leur alimentation en eau.
Les systèmes de filtration lente sur sable à grande échelle sont utilisés à Paris, Marseille, Lyon et Toulouse et sont complétés par la décantation et la coagulation, ce qui va permettre d’améliorer sensiblement la qualité de l’eau distribuée. Mais ces seuls traitements physiques n’éliminent pas toutes les bactéries, même si les épidémies reculent.
C’est au début de l’ère industrielle que naquirent les premières sociétés de distribution de l’eau potable : la Compagnie Générale des Eaux (aujourd’hui Veolia Eau) en 1853 et la Lyonnaise des Eaux en 1880. La SAUR a été créée plus récemment en 1933.
À partir de 1880, l’essor de la microbiologie, sous l’impulsion de Pasteur, Koch (tuberculose) et Eberth (typhoïde), ouvre une nouvelle ère dans l’approche de l’alimentation en eau potable. Les scientifiques établissent une corrélation entre les épidémies et la contamination
microbienne de l’eau : « Nous buvons 90 % de nos maladies », résumait Pasteur.
Il faut attendre la fin du xɪxe siècle pour que les filtres éliminent les microbes grâce aux travaux de l’Institut Pasteur. L’histoire du traitement de l’eau potable va dès lors s’accélérer, sous l’effet conjugué de besoins plus importants et, surtout, des progrès de la chimie.
Au début du xxe siècle, les traitements chimiques apparaissent. De nombreux produits sont essayés notamment l’ozone et le chlore. L’emploi du chlore se généralise après la Première Guerre mondiale de 1914-1918.
En effet, Philippe Bunau-Varilla découvre, lors de la bataille de Verdun (1916), le procédé de verdunisation (désinfection de l’eau) qui consiste à ajouter à l’eau une faible dose de chlore.
La loi de 1902 sur la santé publique instaurera de nombreuses mesures inspirées par les hygiénistes.
En 1930, seulement 23 % des communes disposent d’un réseau de distribution d’eau potable à domicile.
En 1945, 70 % des communes rurales ne sont toujours pas desservies.
Il faut attendre la fin des années 1980 pour que la quasi-totalité des Français bénéficient de l’eau courante à domicile.