Réchauffement climatique : quelles conséquences sur l’eau ?

river lagoon
Certains effets du réchauffement sont déjà observables, d'autres font consensus dans la communauté scientifique.
L’interaction entre le réchauffement climatique et le cycle de l’eau est difficile à mesurer en raison de l’impact de l’activité humaine et de l’inertie des masses d’eau (océan et nappes souterraines) qui inscrit les effets du réchauffement dans le long terme. Certains effets sont déjà observés dans différentes régions du globe et les climatologues en prévoient d’autres avec un degré de certitude acceptable. Quels sont ces effets et sont-ils réversibles ? Le point sur ces questions.

Date de publication : 8 octobre 2018  |  Dernière modification : 4 juillet 2024

COMMENT FONCTIONNE L’EFFET DE SERRE ?

L’effet de serre, ce phénomène thermique naturel, permet à la Terre de retenir en partie la chaleur du soleil grâce à son atmosphère qui piège une partie des rayons infrarouges reçus au lieu de les renvoyer dans l’espace. L’activité humaine et les transformations des modes de vie ont pour conséquence de rejeter davantage de gaz à effet de serre dans l’atmosphère et de causer un réchauffement global de la planète.

Le réchauffement dû aux gaz à effet de serre rejetés par l’humanité depuis le début de l’ère industrielle est estimé à près de 1,5 °C aujourd’hui en moyenne mondiale, mais à 2,6 °C en Europe de l’Ouest. Selon les scénarios envisagés, il pourrait atteindre 1,8 °C à 6,3 °C à l’horizon 2100 en moyenne mondiale.

LE CYCLE HYDROLOGIQUE : INFLUENCES MULTIPLES ET INERTIE

Le réchauffement planétaire impacte le cycle hydrologique, c’est une certitude admise par l’ensemble de la communauté internationale scientifique. Cependant les conséquences, leur ampleur et leur durée sont difficiles à mesurer avec précision. En cause : les interactions de l’homme sur le cycle de l’eau se cumulent avec les effets du changement climatique.

De même, les masses d’eau comme les mers, les océans et les grands réservoirs d’eau douce (nappes phréatiques) se caractérisent par une grande inertie : les effets se mesurent donc sur le long terme et sont difficiles à estimer sur des échelles de temps courtes.

Les études et observations réalisées notamment par le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC) permettent cependant de dégager des grandes tendances.

  • Une grande partie du dioxyde de carbone anthropique que nous émettons reste actif dans l’atmosphère pendant des temps très longs.
  • Le système climatique terrestre possède une inertie élevée (essentiellement due à l’océan) de telle sorte que, lorsqu’il est perturbé, il met de nombreux millénaires à s’ajuster, par exemple en température. (1)

LA SÉCHERESSE : DES EFFETS DÉLÉTÈRES… ET ÉTENDUS

Conséquence du réchauffement climatique sur le cycle de l’eau: l’augmentation de la sécheresse dans de nombreuses régions du globe, en durée et sur des territoires de plus en plus vastes. La Méditerranée, l’Afrique australe, l’Asie du Sud et le Sahel connaissent des sécheresses plus longues et plus intenses. Ces sécheresses sont observées depuis les années 1970. (2)

Les régions désertiques, à de rares exceptions près (désert de Gobi en Chine) sont concernées. Un phénomène à ne pas sous-estimer : contrairement aux idées reçues, les régions désertiques sont des écosystèmes qui abritent une faune et flore variées ainsi que des populations humaines.

L’impact de la sécheresse sur les zones désertiques aura des conséquences sur les zones limitrophes. Le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) prévoit des diminutions des précipitations de 5 % à 15 % dans la majorité des zones désertiques du globe.

Certaines régions arides disposent de réserves d’eau constituées par l’apport de grands fleuves, la diminution prévue de cet apport est un facteur aggravant de la raréfaction des précipitations sur la ressource en eau. (2)

38 % de la population mondiale sera exposée au stress hydrique en 2025 contre 9 % en 2008 (1)

LA SÛRETÉ DE L’EAU DEVIENT UN ENJEU MAJEUR

L’une des conséquences de la sécheresse et du réchauffement est d’épuiser les ressources d’eau profondes. Les populations exposées doivent recourir aux eaux de surface qui sont insalubres.

À l’inverse, les précipitations accrues dans certaines régions du monde mettent à mal les installations de traitement de l’eau (stations d’épuration) qui répandent les matières fécales et conduisent à une augmentation des maladies véhiculées par l’eau comme le choléra et la diarrhée.  (3)

Le réchauffement climatique n’impacte pas seulement la ressource en eau salubre, il favorise aussi les maladies liées à l’eau comme le paludisme ou la dengue qui voient leur zone géographique s’élargir. (3)

AUGMENTATION DES PRÉCIPITATIONS DANS LES HAUTES LATITUDES

À l’inverse des régions subtropicales, les régions situées dans l’hémisphère nord verront leurs précipitations augmenter. Des précipitations plus importantes sont déjà observées sur le continent américain, en Europe du Nord, en Asie centrale et en Asie du Nord.

Ces précipitations ont pour conséquence un ruissellement plus important, qui impacte à son tour les écosystèmes et provoque des inondations et des glissements de terrain. La disponibilité de cette eau dépend de la capacité de l’homme à la retenir.

Le réchauffement augmente la contamination de l’eau douce par l’eau de mer

Les réserves d’eau douce ne sont pas isolées de l’eau de mer (porosité des roches). Par un effet de vases communicants, le prélèvement en eau douce se traduit par la contamination de l’eau douce par l’eau de mer. Le réchauffement de la planète qui se traduit par la fonte des glaces et l’élévation du niveau des mers vient renforcer ce phénomène. (1)

La moitié de la population mondiale vit à moins de 60 kilomètres des côtes et 8 des 10 plus grandes villes de la planète sont situées sur le littoral.

FONTE DES GLACIERS : DISPARITION DE L’EFFET TAMPON

Le réchauffement climatique a pour conséquence la fonte des glaces sur les pôles mais aussi des glaciers. Ces derniers jouent un rôle de tampon en captant de l’eau douce qui est ensuite restituée graduellement aux écosystèmes pendant la période sèche.

Tout comme l’augmentation des précipitations dans les hautes latitudes, la disparition des glaciers entraîne une augmentation du débit des cours d’eau et nécessite des infrastructures pour capter et stocker l’eau potable, infrastructures qui ne sont actuellement pas disponibles.

1/6ème de la population mondiale dépend de l’eau douce apportée par les glaciers à la saison sèche.

LA CHIMIE ET LA BIOLOGIE DE L’EAU MODIFIÉES PAR LE RÉCHAUFFEMENT

Les lacs et rivières voient la température moyenne des eaux de surface et des eaux profondes augmenter. Cette augmentation modifie l’équilibre chimique et biologique de l’eau : sa qualité diminue et impacte la quantité d’eau disponible pour la consommation humaine ainsi que les écosystèmes liés.

L’augmentation des précipitations accroît l’érosion et la mobilité des polluants

Le ruissellement provoqué par les précipitations accrues dans les hautes latitudes provoque une érosion dommageable aux écosystèmes et dangereuse pour les populations humaines (glissements de terrain). Il rend aussi les polluants plus mobiles : ces derniers arrivent désormais jusqu’aux aquifères souterrains.

L’intensité des précipitations rend aussi la gestion de l’eau par l’homme plus complexe en saturant les systèmes de récupération et de traitement des eaux usées.(1)

L’accentuation ou la diminution des précipitations dans différentes régions du globe conduit à un cercle vicieux : propagation des polluants dans un cas ou concentration dans l’autre.(1)

LES CONSÉQUENCES SUR LA PRODUCTION D’EAU POTABLE ET SUR L’ASSAINISSEMENT

Les effets du dérèglement climatique ont de multiples conséquences présentes ou futures sur le traitement de l’eau domestique.  L’augmentation de la température des eaux à l’état naturel peut favoriser le développement de germes et de bactéries. En cas de contamination, le processus de désinfection actuel pourrait devenir inadapté.

Les épisodes soudains de fortes précipitations, comme nous en avons connu ces dernières années, peuvent également mettre à mal les réseaux d’assainissement et excèdent leurs capacités. Des mesures temporaires peuvent être prises au niveau local si les normes de potabilité ne sont pas atteintes.

Enfin, notre accès à l’eau potable dépend de prélèvements effectués dans les nappes souterraines et les rivières. Si le niveau d’eau disponible venait à baisser dans ces milieux, la quantité d’eau potable disponible pour l’usage domestique pourrait devenir insuffisante pour couvrir les besoins de l’ensemble de la population.

De plus, le volume d’eau dépollué rejeté dans les rivières correspond à leurs capacités de dilution actuelles, des variations importantes de débit pourraient rompre cet équilibre et rendre les cours d’eau plus vulnérables aux pollutions.

 

Sources :

  • GIEC
  • Fonds des Nations unies pour l’enfance (UNICEF)
  • Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE)
6177Réchauffement climatique : quelles conséquences sur l’eau ?

Marillys Macé

Directrice générale du Centre d’information sur l’eau, dont la vocation est d'apporter des connaissances pédagogiques sur l'eau distribuée et sur la gestion de l'eau en France, d'analyser les comportements des consommateurs et d'analyser le discours des médias.

En savoir plus

Lire aussi