Les courants océaniques et le réchauffement climatique : quelles conséquences ?
Date de publication : 2 juin 2021 | Dernière modification : 4 juillet 2024
Les différents types de courants
Les eaux des mers et des océans se déplacent constamment à l’échelle planétaire. L’ensemble de ces mouvements constitue ce qu’on appelle la circulation océanique et se traduit par des courants marins. Ces eaux se déplacent aussi bien en surface qu’en profondeur. Ces déplacements sont conditionnés par plusieurs facteurs :
- La température
- La salinité
- La densité
- La rotation de la Terre
- Le rayonnement solaire
Suivant les régions, ces courants circulent dans des directions bien précises. On peut observer deux principaux types de courants marins à l’échelle de la planète :
- Les courants de surface
- Les courants de profondeur
Les courants de surface
Cartographie des courants de surface à l’échelle planétaire (source : Wikipédia)
Ils se définissent par de vastes mouvements d’eau provoqués par la circulation des vents (circulation atmosphérique) à la surface des océans. Ces courants peuvent être chauds ou froids selon leur position sur la planète. La direction de ces courants dépend de la force de Coriolis liée à la rotation de la Terre :
- Les courants de surface se dispersent vers la droite dans l’hémisphère nord
- Les courants de surface se dispersent vers la gauche dans l’hémisphère sud
Néanmoins, les courants peuvent être déviés par la présence des continents, formant ainsi des tourbillons océaniques (également appelés gyres), plus ou moins chauds selon le rayonnement solaire.
Les 5 Gyres ou courants tourbillonnants (source : Wikipédia)
Les courants marins profonds
Également appelés courant de densité, les courants de profondeur proviennent des différences de température et de salinité dans l’océan. À la différence des courants de surface, le vent n’a pas d’influence sur les eaux situées à plus de 800 mètres de profondeur. Ainsi, les courants marins se forment par la densité des eaux : tandis que l’eau dense se dirige vers les profondeurs, les eaux les moins denses remontent en surface.
L’eau salée est plus dense que l’eau douce :
- Du fait de leur évaporation, les eaux de surface se chargent en sel, ce qui les rend plus denses.
- Devenues alors plus lourdes, ces eaux glissent sous les eaux ayant une plus faible salinité.
L’eau froide est plus dense que l’eau chaude :
- L’eau froide et dense descend en profondeur tandis que l’eau chaude et de plus faible densité remonte en surface.
- Lorsqu’elle s’approche des pôles, l’eau de surface se refroidit, elle devient plus dense puis se dirige vers le fond.
Lorsqu’elle part de l’équateur, l’eau est chaude puisqu’elle soumise au rayonnement solaire. À l’inverse, lorsqu’elle se rapproche des pôles, l’eau refroidit puis gèle. Seule la partie liquide de l’eau des pôles est salée, l’eau gelée formant la banquise en surface ne contient pas de sel.
Ainsi, l’eau liquide au niveau des pôles est non seulement très froide mais aussi très salée. Cela explique la très forte densité des eaux présentes dans les régions polaires ; celles-ci descendent en profondeur, provoquant ainsi des courants marins profonds.
Principe des courants de densité (source : Surfrider Foundation Europe)
En effet, lorsque les eaux froides des courants profonds remontent à la surface, elles entraînent avec elles des nutriments nécessaires à l’alimentation des algues et des phytoplanctons, eux-mêmes source de nourriture pour le reste de la chaîne alimentaire océanique.
La circulation thermohaline
L’ensemble des courants de surface et de profondeur forment une grande boucle appelée la circulation thermohaline. Également appelée circulation méridienne de retournement Atlantique (ou AMOC pour « Atlantic Meridional Overturning Circulation »), cette circulation entre les courants, tout comme la circulation atmosphérique, est essentielle à la régulation du climat car elle permet de transférer la chaleur provenant de l’énergie solaire entre les pôles et l’équateur, ce qui évite de trop grands écarts de températures.
L’interaction des courants marins de surface et de profondeur forme une boucle de circulation permanente à l’échelle planétaire et qui fonctionne comme un tapis roulant géant.
En bleu, les courants froids de profondeur prennent naissance au nord de l’Atlantique et se dirigent vers le sud de l’Atlantique.
Ces eaux profondes s’écoulent le long de l’Atlantique sud puis remontent vers l’océan Indien. À partir de là, les eaux remontent en surface formant des courants chauds en rouge, dont la circulation dépend de la circulation des vents (circulation atmosphérique).
Circulation thermohaline (source : Surfrider Foundation Europe)
Comment le réchauffement climatique affecte les courants ?
L’exemple du Gulf Stream
Le Gulf Stream est l’un des courants de surface les plus puissants de la planète.
- Il transporte les eaux chaudes (dont la chaleur a été accumulée à l’équateur) depuis les Caraïbes vers l’Europe,
- Et transporte les eaux froides du Canada et de l’Europe en direction des pays plus chauds.
Cela explique pourquoi l’Europe du Nord jouit d’un climat plus doux que les régions d’Amérique du Nord pourtant situées à la même latitude.
Un ralentissement du Gulf Stream, à l’origine d’un refroidissement de l’Europe de l’Ouest
Or de nombreuses observations au fil de ces dernières décennies montrent que le Gulf Stream s’affaiblit à grande vitesse.
Cela est essentiellement dû à la fonte progressive et rapide des glaciers du Groenland et de la banquise arctique, engendrée par le réchauffement climatique.
Cette fonte rapide des glaces entraîne une accumulation d’eaux froides et non salées à l’intérieur du Gulf Stream. Cette nouvelle répartition des eaux altère la circulation thermohaline et oblige les eaux chaudes du Gulf Stream à s’enfoncer plus en profondeur et à reculer vers le sud.
Ainsi, le réchauffement climatique qui entraîne la fonte des glaces conduit à un dérèglement thermique des courants marins aboutissant à une baisse des températures en Europe de l’Ouest.
« La perte de masse de la calotte glaciaire du Groenland imputable à l’homme semble bien freiner la circulation méridienne de retournement de l’Atlantique et cet effet pourrait s’amplifier si nous laissons les températures grimper davantage ».
Jason Box, chercheur à l’Étude géologique du Groenland.
Vers un refroidissement brutal de l’Europe ?
D’autres observations scientifiques convergent pour arriver à cette conclusion qu’un refroidissement global a 50 % de chances de se produite dans toute l’Europe de l’Ouest. Ainsi, les pays de l’Europe de l’Ouest bordant l’océan Atlantique pourraient être les plus lourdement touchés. Ils risquent en effet de voir leurs températures baisser de 1 à 3 °C en moyenne.
Cette baisse des températures pourrait avoir des conséquences multiples sur l’agriculture, les écosystèmes, la production d’énergie dans les pays concernés. Selon la publication d’un article de Nature Climate Change, si les rejets d’origine humaine se poursuivent à la même allure qu’actuellement, les niveaux de CO2 pourraient être multipliés par 4 à l’horizon 2100 par rapport à l’époque préindustrielle.
Un faible impact sur le réchauffement climatique…
Toutefois, ce ralentissement du Gulf Stream étant localisé, les chercheurs estiment que le refroidissement ciblé qui en découle n’aura qu’un faible impact sur la poursuite du réchauffement planétaire.
Mais des évènements météorologiques extrêmes plus fréquents
Bien que l’affaiblissement du Gulf Stream n’affecte que peu le réchauffement planétaire, de plus en plus d’évènements climatiques extrêmes risquent de se multiplier.
« Le ralentissement du Gulf Stream va être une partie plutôt mineure des dangers du changement climatique, à mon avis. Ce qui m’inquiète, c’est que les événements météorologiques extrêmes vont devenir plus courants. Nous allons voir les zones humides devenir plus humides et les zones sèches devenir plus sèches. Les déserts vont s’étendre vers les pôles des deux hémisphères. Les ouragans vont se renforcer et les conditions météorologiques extrêmes seront plus courantes. »
Arnold Gordon, professeur à l’Université de Columbia, USA
L’exemple du gyre de Beaufort
Gyre de Beaufort, situé en Arctique (source : Futura Planète)
Le réchauffement climatique semble deux fois plus rapide en Arctique qu’ailleurs. Pour preuve, l’extension minimale des glaces observée en 2019 a été inférieure de 33 % par rapport à la moyenne entre 1981 et 2010.
Depuis les années 1990, le gyre de Beaufort (système anticyclonique de circulation dans l’océan Arctique) a accumulé une très grande quantité d’eau froide et douce, environ 8 000 km3, soit presque deux fois le volume du lac Michigan. Cet afflux massif provient de la fonte anormale des glaces en été et automne, observée depuis plusieurs décennies.
Or, selon Tom Armitage, chercheur à la NASA et observant l’évolution du gyre de Beaufort sur les 12 dernières années :
« Si le gyre de Beaufort venait à libérer cet excès d’eau douce aujourd’hui, cela aurait des implications sur le climat, notamment sur celui de l’Europe de l’Ouest. »
À quoi sert le gyre de Beaufort ?
En stockant de l’eau douce près de la surface de l’océan, le gyre de Beaufort contribue à équilibrer l’environnement polaire. Il recueille et accumule de l’eau douce au nord du Canada et de l’Alaska, provenant de la fonte des glaciers, de l’écoulement des rivières et des précipitations.
En flottant sur l’eau salée, ce réservoir d’eau douce permet de protéger les glaces des océans de la fonte. C’est donc un régulateur de climat non négligeable.
Cette eau douce est ensuite libérée très lentement – sur une période de plusieurs dizaines d’années – dans l’océan Atlantique, puis s’évacue progressivement de l’océan.
Le gyre de Beaufort aujourd’hui : plus turbulent et rapide que jamais
En raison du déclin de la couverture glacée de l’Arctique en été, le gyre de Beaufort est davantage exposé aux vents d’ouest persistants alors qu’auparavant, il était soumis à des vents changeant tous les 5 à 7 ans. Ainsi exposé, le gyre de Beaufort est devenu plus large et tourne beaucoup plus vite qu’avant, retenant l’eau douce qui s’accumule de plus en plus.
Aussi, en mélangeant des couches d’eau froide et douce avec des couches d’eau salée et plus chaude en-dessous, le gyre de Beaufort entraîne une fonte des glaces supplémentaire pouvant engendrer une dérégulation de la chapine alimentaire océanique (puisque les nutriments et les matières organiques sont mélangés différemment).