60 millions de consommateurs d’eau
La revue 60 Millions de Consommateurs a fait paraître début avril 2013 les résultats de leurs analyses sur des eaux du robinet et des eaux en bouteille. Il en résulte que certains échantillons présentent des traces de contamination par des pesticides ou des résidus médicamenteux mais à des taux infimes, de l’ordre du milliardième de gramme, qui n’ont pas d’incidence sur la santé. Dès son éditorial, le rédacteur en chef assure : « Ne nous méprenons pas sur les résultats des analyses (…). Avant tout, ils confirment que l’eau que nous buvons est de bonne qualité. »
Beaucoup de bruit pour rien…
Certes, les analyses ont découvert des traces infimes de polluants. Mais, pour les spécialistes, qu’il y ait « quelque chose » dans l’eau n’est pas une découverte. Grâce à ses propriétés électriques, l’eau est le solvant le plus efficace qui soit. Elle capte donc toutes les pollutions issues des activités humaines. Les avancées technologiques permettent aujourd’hui de mesurer des présences infinitésimales de substances qu’on ignorait encore hier. Demain, avec un matériel encore plus performant, on mettra en évidence de nouvelles mesures.
Pour l’eau du robinet, les analyses révèlent même de manière rassurante que, sur des territoires particulièrement touchés par des pollutions diffuses d’origine agricole, on ne retrouve aucune trace des 85 polluants recherchés !
Le seul point nouveau est d’avoir pu déceler des traces dans quelques eaux en bouteille en abaissant fortement les seuils de détection habituels.
Ce dossier n’a rien apporté de nouveau sur la qualité reconnue des eaux. Il a été un tour de force en transformant le tropisme des médias (un train qui arrive à l’heure est une non information) en un buzz médiatique issu d’une étrange conférence de presse où un média parle aux médias.
… Qui milite pour une information plus juste
Il est temps de partager avec le public que la présence de substances indésirables dans l’eau n’est pas obligatoirement synonyme de danger ou de risque. Ce qui est important, c’est que les quantités restent « indolores » pour notre santé.
C’est aussi l’occasion de prendre conscience qu’au-delà de nos choix de consommation d’eau de boisson, eau du robinet ou eau en bouteille, et bien sûr des arguments de vente, nous ne buvons qu’une seule eau qui peut subir les mêmes aléas dans le milieu naturel.
Enfin, cet épisode médiatique met en lumière le mythe de l’eau pure sur lequel nous vivons et qui a fait le lit du marketing de la pureté. Il ne faut pas rêver, nos ancêtres n’ont jamais bu et nous ne boirons jamais une eau absolument pure.
Si nous voulons ne pas continuer à créer de fausses attentes parmi le public qui le mèneront à la défiance, nous ne devons plus collectivement parler d’eau pure mais d’eau saine, d’eau bonne à boire.
Le professeur Jules GRITTI, sémiologue, aujourd’hui décédé, mena pour le Centre d’information sur l’eau une étude sémiologique ayant trait à l’eau. Egalement observateur des médias, il écrivait : « Par un jeu répétitif, les médias opèrent goutte-à-goutte de véritables concrétions morales et culturelles. On imagine alors des stalactites ou des stalagmites dans les grottes de la résignation collective. »
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