Lettre ouverte à Mélanie Laurent, Stéphane Bern, et Tcheky Karyo

Chers Stéphane Bern, Mélanie Laurent et Tcheky Karyo, depuis quelques jours, vous portez le message de France Libertés et 60 millions de consommateurs. Ces associations invitent nos concitoyens à demander plus de transparence sur la qualité de leur eau, notamment en cas de non-respect des normes de qualité et si des dérogations doivent être mises en place. L’information est un droit sur les sujets qui concernent l’usage de l’eau potable: il est donc légitime de militer si celui-ci s’avère être insuffisant ou mal respecté. De la même façon, il est justifié que nous réclamions, en tant que citoyens, de participer aux débats qui auront des conséquences sur notre vie quotidienne, notre santé et celle de nos proches.

Cependant, et c’est là mon propos central, il pourrait être contreproductif de laisser penser, à vous comme à tous les utilisateurs de l’eau, que des « petits arrangements » avec la règle puissent mettre en danger votre santé et que « on nous cache tout, on nous dit rien ». La multiplication des textes réglementaires, européens ou français, due en grande partie à la prise en compte par les législateurs des avancées scientifiques, sont la preuve que autorités sanitaires, responsables de la distribution d’eau (maire, président de communautés de communes…) et exploitants (régie, délégataires du service public…) ne peuvent improviser une décision.

Quant à l’information, je vous accorde que, si elle existe bien, elle peut être difficilement accessible, parfois difficilement compréhensible et qu’il est grand temps d’arrêter de donner au public une information édulcorée sous prétexte que les sujets de l’eau sont trop techniques pour être compris. Le Centre d’information sur l’eau, que j’ai l’honneur de diriger, fait justement du partage de la connaissance sa mission.

Chers Stéphane Bern, Mélanie Laurent et Tcheky Karyo, voici quelques informations

Permettez-moi de vous donner les informations qui pourront apaiser vos inquiétudes sur la qualité de notre eau du robinet :

1/ Les normes de qualité  sont la résultante de recherches scientifiques et de débats entre experts et ce, au niveau de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme à celui des autorités européennes et françaises.

2/ Une norme de qualité est toujours prise pour que la personne  fragilisée (bébé, femme enceinte, personne malade…) soit la plus protégée. Ce qui veut dire qu’aux recommandations des scientifiques, les gouvernants ajoutent toujours une marge de sécurité. Son seuil assure que nous puissions boire 2 litres d’eau du robinet chaque jour, durant au moins 70 ans de notre vie sans danger pour notre santé.

3/ Il est temps de corriger une contre-vérité : le dépassement d’une norme de qualité, dans une durée courte à l’échelle de notre vie, ne fait pas courir obligatoirement de risque. Justement en raison des précautions expliquées au 2/ !

4/ Un dépassement d’une limite de qualité n’est jamais négligé. L’exploitant a l’obligation immédiate d’avertir le préfet et le maire, de faire une enquête et surtout de mettre en place la solution pour y remédier. Si un risque existe pour la population, le préfet jouera son rôle de puissance publique en prenant la décision, selon les cas, soit de restreindre les usages soit d’arrêter la distribution.

5/ Un dépassement qui entraîne une incidence, même minime, est obligatoirement porté à la connaissance de la population concernée.

6/ Une autorisation préfectorale de déroger à une limite de qualité n’est jamais donnée : si le paramètre en cause concerne un virus ou une bactérie, s’il y a un risque pour la santé publique et si, raisonnablement, l’exploitant peut trouver une solution rapide.

7/ Lorsqu’une dérogation est donnée pour permettre par exemple de moderniser une unité de production d’eau potable (ce qui peut demander lourds financements et temps), les taux de dépassement restent sous surveillance par les autorités sanitaires. Pour chaque substance faisant l’objet d’une limite de qualité, l’Agence nationale de sécurité sanitaire (ANSES) a mis définis des seuils à ne pas dépasser pour ne pas mettre en danger la santé. Et ce, à 3 ans, à 6 ans et à 9 ans, selon les durées possibles d’une dérogation.

8/ Enfin, malgré tout ce que l’on peut entendre ici ou là : 97 % de la population française reçoit en permanence une eau conforme aux normes de potabilité. Sans doute grâce au fait que l’eau du robinet est le produit alimentaire qui reste le plus contrôlé.

A tous les lanceurs d’alerte, merci de diffuser l’information !

 

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Marillys Macé

Directrice générale du Centre d’information sur l’eau, dont la vocation est d'apporter des connaissances pédagogiques sur l'eau distribuée et sur la gestion de l'eau en France, d'analyser les comportements des consommateurs et d'analyser le discours des médias.

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