Baromètre Kantar / Cieau « Les Français et l’eau » 2023
Une année riche d’actualité sur l’eau, qui influe sur l’opinion et les attentes des Français.
Les enseignements majeurs de cette édition 2023 :
- Une hausse des craintes de pénuries d’eau dans l’avenir, qui atteignent un nouveau niveau record et sont à rapprocher de la prise de conscience de plus en plus forte des effets du dérèglement climatique.
- Une relative érosion de l’engagement des Français à changer leurs habitudes de consommation et à soutenir l’effort de sobriété. Avec, en parallèle, une augmentation du nombre de ceux qui comptent sur les solutions technologiques ou sur l’évolution de la réglementation pour faire face aux enjeux de disponibilité de l’eau.
- Une confiance en la qualité qui reste, certes, à haut niveau, mais subit un tassement significatif, sous l’effet notamment d’une nouvelle réglementation ayant pu instiller le doute sur la robustesse du process de contrôle de l’eau. Les Français considèrent, en outre, que le dérèglement climatique n’a pas uniquement un effet sur les ressources naturelles, mais aussi sur la qualité de l’eau au robinet
- Une progression de la perception d’un prix du service de l’eau « plutôt cher ». Ce constat est bien sûr à rapprocher d’un contexte inflationniste aussi persistant qu’universel… mais aussi de la conviction que le service de l’eau va devoir s’adapter aux nouveaux défis de disponibilité ou de pollution. Ainsi, les Français anticipent quasi-unanimement son augmentation à venir, pour y répondre.
La satisfaction envers les services de l’eau est stable d’année en année : près de 9 personnes sur 10 (87 % ) s’en disent satisfaits. « Disponible 24/7 » (87 % ) et « écologiquement responsable » (75 % ) sont deux vertus particulièrement louées de ce service.
La crainte de manque d’eau dans l’avenir, dans sa région, rassemble plus de sept Français sur dix. Année après année cet indicateur gagne du terrain, et augmente encore de 2 points dans cette édition (71 % vs 69 % en 2022 et 64 % en 2021). Spectaculaire basculement de l’opinion, puisqu’à l’origine de l’enquête en 1996, cette inquiétude de manquer d’eau dans l’avenir ne concernait que moins d’un tiers (32 % ).
Dans le même ordre d’idées, la grande majorité estime que l’eau est une ressource limitée, en premier lieu à l’échelle mondiale (81 % ) comme en France (78 % vs 76 % en 2022) et un peu moins dans sa propre commune (65 % ).
Enfin, sans surprise, la conviction de l’impact du dérèglement climatique sur le manque d’eau a fait un bond de presque 10 points avec, désormais, 92 % de Français partageant cette certitude.
Les conséquences tangibles du changement climatique sont de plus en plus identifiées.
De fait, la majorité des Français constate de plus en plus, dans son quotidien, les multiples impacts du dérèglement climatique sur l’eau :
- 58 % (vs 49 % en 2022) pointent l’accélération des sécheresses, soit une hausse de 9 points ;
- 52 % (vs 42 % en 2022) disent avoir observé une baisse des cours d’eau ;
- 51 % ont constaté une augmentation des températures, même en hiver ;
- 31 % estiment qu’il y a de plus en plus de restrictions d’usage de l’eau (vs 22 % en 2022)
Seule une faible minorité (11 % vs 27 % en 2022) dit n’identifier aucun effet du dérèglement climatique… soit plus de deux fois moins qu’en 2022.
Le taux de confiance dans l’eau du robinet fléchit significativement, (78 % vs 85 % ).
Une inflexion que l’on peut imputer à plusieurs indicateurs :
- Une érosion, certes légère, de l’appréciation des composantes du « socle de confiance » constitué par les normes (78 % les considérant suffisamment strictes, soit – 3 points vs 2022) et les contrôles (66 % les considérant suffisants, soit une perte de 4 points vs 2022) ;
- La perception accrue d’une pollution des ressources naturelles (73 % vs 70 % en 2022) et de l’impact de cette pollution sur la qualité de l’eau du robinet (70 % vs 67 % ) ;
- La conviction, à 68 % , que le dérèglement climatique peut avoir un effet sur la dégradation de l’eau du robinet. A rapprocher bien entendu d’une vision plus prégnante, au quotidien, des effets de ce même dérèglement.
- Les considérations d’ordre organoleptique, avec l’augmentation des motifs d’insatisfaction liés au calcaire (68 % vs 66 % en 2022) et à l’odeur et au goût de chlore (57 % vs 54 % en 2022) … À noter, en parallèle, que le pourcentage de ceux qui trouvent que l’eau du robinet a bon goût baisse de 3 points.
- L’impression que la qualité de l’eau s’est dégradée au cours des 10 dernières années réunit désormais 23 % des Français, vs 16 % en 2022.
- Mais plus des trois-quarts demeurent cependant confiants dans son évolution (estimant que la qualité est restée stable ou s’est améliorée).
Face aux nouveaux défis de disponibilité de l’eau les Français, apparaissent cette année légèrement moins enclins à poursuivre l’effort de sobriété et plus que jamais en attente de solutions. Les trois-quarts des Français (77 % ) estiment bien qu’il conviendra de modifier ses habitudes d’usage de l’eau, pour s’adapte. Mais c’est 12 points de moins qu’en 2022, à la même époque (89 % ) !
Dans le même ordre d’idées, un certain nombre d’indicateurs relatifs au comportement éco responsable se tassent cette année. Comme le fait de veiller aux fuites d’eau (78 % vs 88 % en 2022), prendre une douche courte au lieu d’un bain (78 % vs 84 % ) ou encore utiliser des réducteurs de pression (41 % vs 47 % ).
70 % (vs 67 % en 2022) attendent, dans le même temps, que l’on investisse dans des technologies qui permettraient de conserver le même confort d’usage de l’eau ; un recours aux solutions d’innovation appelé de leurs vœux par 70 % .
La réutilisation des eaux usées traitées, régulièrement évoquée par les médias ces derniers mois, constitue notamment une solution largement admise (ex : 80 % se disent prêts à consommer des fruits et légumes irrigués grâce à la REUT). De même que l’installation de « compteurs intelligents » permettant de suivre sa consommation d’eau, idée soutenue par 76 % des personnes interrogées.
Les réponses réglementaires sont envisagées par 51 % lorsqu’il s’agit de réduire la consommation des particuliers, 70 % pour limiter les usages professionnels (industriels ou agricoles) et, seulement, 40 % pour faire payer plus cher les consommations les plus élevées. Enfin, 33 % estiment qu’ils ne changeront rien à leurs habitudes, soit une progression de 6 points vs 2022 (27 % ).
Si l’on note donc plusieurs inflexions en termes de perceptions de l’eau et de ses enjeux, elles ne se traduisent pas, pour l’heure, dans les comportements de consommation au quotidien.
Concernant les habitudes de boisson, les ratios de consommation quotidienne sont toujours stabilisés en faveur de l’eau du robinet (66 % déclarent boire quotidiennement de l’eau du robinet vs 48 % pour l’eau en bouteille). Les Français restent des « buveurs mixtes » : 72 % boivent indifféremment de l’eau du robinet et de l’eau en bouteille.
L’attention portée à ses consommations d’eau rassemble 85 % des Français. Et, lorsqu’il s’agit d’en expliquer le mécanisme de décision, on note que la première motivation est de l’ordre du bénéfice individuel, pécuniaire (pour « faire des écomies » cité à 45 % ), devant les éléments tenant plus de l’engagement collectif : préserver les ressources naturelles en France, sauvegarder la planète, s’engager sur la voie de la sobriété. Seuls 4 % disent faire attention à leurs consommations d’eau parce qu’ils « n’ont pas le choix »).
La vision du prix du service de l’eau, aujourd’hui et demain découle de la perception plus aigüe des défis à relever… sans oublier évidemment le contexte inflationniste marquant l’opinion depuis deux ans.
Les consommateurs sont ainsi un peu plus nombreux (63 % vs 59 % en 2022) à estimer que le prix du service de l’eau est « plutôt cher ». Une écrasante majorité, elle aussi en progression, estime que l’eau sera plus chère dans les prochaines années (88 % vs 85 % en 2022).
Ce pronostic d’une prochaine hausse de prix, dans les années à venir repose largement sur l’identification claire des enjeux d’adaptation des services d’eau. Il est, ainsi, d’abord associé à la crainte de manquer d’eau (58 % ), à l’inflation (54 % ) et à l’augmentation du prix des traitements (48 % ), consécutifs à la pollution des ressources. Près de la moitié des Français évoque des éléments ayant trait à la rénovation des canalisations (45 % ) et au développement de la réutilisation des eaux usées traitées (40 % ).
D’ailleurs, quand on les interroge sur leur disposition à payer le service de l’eau plus cher, les taux d’adhésion varient en fonction des justifications suggérées : 63 % y seraient prêts pour préserver les ressources, 62 % pour éliminer les pesticides, 58 % pour maîtriser les pollutions, 57 % pour financer la réutilisation des eaux usées traitées, 53 % pour financer des technologies permettant de limiter les fuites.
Plus de la moitié des Français (53 % ) s’estiment bien informés sur les sujets liés à l’eau. Cet indicateur a grandement augmenté depuis l’origine du baromètre (19 % en 1996). Les sujets d’interrogations sont toujours liés à la qualité et tout particulièrement à la santé.
Le Centre d’Information sur l’eau édite depuis 1996 un baromètre de perception de l’eau du robinet, par les Français, réalisé par Kantar mené auprès de 3467 personnes. Au fil des 27 éditions de cette enquête d’opinion, le Centre d’Information sur l’eau a dressé un panorama des mouvements d’opinion à l’égard de l’eau et son service. Selon les thèmes, des évolutions parfois importantes, parfois mineures, se sont dessinées.
Méthodologie
Échantillon : 3573 Individus âgés de 18 ans et plus, issus d’un échantillon national représentatif de la population française métropolitaine constitué d’un échantillon principal sur quotas (sexe, âge, profession et catégorie socioprofessionnelle du chef de ménage) et après stratification géographique (régions UDA 13, catégorie d’agglomération). Un sur-échantillonnage pour atteindre un minimum 30 répondants par département Redressement des données a posteriori pour avoir des résultats représentatifs de la population française métropolitaine.
Mode de recueil : Interviews menées Online, via l’Access Panel de KANTAR