Eau et la sécurité sanitaire : écouter les consommateurs pour mieux les informer
Marillys Macé, directrice générale du Centre d’information sur l’eau, et le Dr. Philippe Beaulieu, responsable du pôle eau et santé, qui pilote l’information scientifique et la vulgarisation du C.I.eau, participaient le 6 mai à une conférence organisée dans le cadre du Carrefour des Gestions Locales de l’eau ayant pour thème l’eau et la sécurité sanitaire : “Ecouter les consommateurs pour mieux les informer”.
Ecouter les consommateurs pour mieux les informer
Le C.I.eau observe les habitudes des consommateurs depuis 25 ans grâce à son Baromètre annuel d’opinion “Les Français et l’eau” qui agit comme un sismographe de la perception des consommateurs vis à vis de leur eau sur une période de 25 ans.
La directive européenne met en exergue la nécessaire transparence de l’information pour élever la confiance des usagers dans l’eau du robinet et les encourager à l’utiliser comme eau de boisson du quotidien.
Comment mettre en œuvre cette obligation de transparence ?
Quelques données permettent de mieux appréhender la perception par le consommateur de l’eau vis-à-vis de la santé et donc de guider le travail d’information des professionnels de l’eau.
Une confiance confirmée d’année en année
La confiance des usagers envers leur eau du robinet est en augmentation régulière depuis des années et atteint 85 % en 2020.
Cette dernière édition du baromètre, dont l’élaboration a commencé trois mois après le début de la crise sanitaire, montre que si la crise a pu ébranler la confiance des consommateurs envers les produits alimentaires, il n’en va pas de même pour l’eau.
On peut y voir les conséquences positives de l’effort d’information réalisé par les services de l’eau pour répondre aux questions des consommateurs par rapport à d’éventuels risques encourus lors de la consommation de l’eau du robinet.
La confiance, solidement installée aujourd’hui chez les usagers de l’eau, repose sur trois éléments :
- Les normes : 96 % des consommateurs en ont connaissance et 83 % d’entre eux jugent ces normes suffisamment exigeantes.
Une pédagogie apparaît toujours nécessaire pour informer les consommateurs sur le niveau d’exigence de ces normes et les marges de sécurité très larges qui sont prises.
La notion de limite de qualité, qui ne correspond pas à un degré de dangerosité mais à un seuil de vigilance est parfois mal comprise. - Les contrôles : là aussi 96 % des consommateurs en ont connaissance et 74 % d’entre eux pensent qu’ils sont efficaces, un chiffre qui augmente d’année en année. La communication doit perdurer pour informer les consommateurs sur l’organisation des contrôles et leur volumétrie (jusqu’à 25 millions d’analyses par an), effectués tout au long de la production de l’eau du robinet. C’est grâce à cela que l’eau peut revendiquer son titre de produit alimentaire le plus contrôlé.
- Les traitements : 85 % des consommateurs leur font confiance. La crise sanitaire a sans doute joué un rôle de révélateur de la qualité du processus de potabilité. Ce fort crédit accordé aux traitements de l’eau s’est trouvé conforté par les efforts de pédagogie déployés en raison du contexte sanitaire.
Rappelons que l’eau du robinet est la plus consommée par les Français (6 verres sur 10). Les consommateurs mettent en avant trois raisons principales : sa disponibilité 7 jours sur 7, 24h sur 24 pour 94 % des consommateurs, ses vertus écologiques (produit locavore, économies de plastique et coût carbone minimal) pour 85 % d’entre eux, et sa consommation sans risque pour la santé pour 78 % des usagers.
Il existe encore des perceptions erronées qui peuvent parasiter la perception de la qualité sanitaire de l’eau et freiner sa consommation. Par exemple, la fragilité de la ressource est parfois reliée à une moins bonne qualité de l’eau. Rappelons que ce sont les traitements qui permettent d’assurer la qualité sanitaire de l’eau indépendamment de la qualité de la ressource.
Quelles sont les dimensions négatives déclarées de l’eau du robinet ? Chaque année, ce sont les mêmes éléments qui ressortent : le calcaire (69 % ) et le chlore (58 % ). Des recommandations simples permettent d’éviter ces désagréments : les efforts de pédagogie doivent donc perdurer.
Par ailleurs, les Français ne s’estiment pas assez informés sur trois aspects :
- les nitrates et pesticides (50 % ). Notons pourtant que pour les nitrates, 99,3 % des échantillons contrôlés présentaient des valeurs inférieures aux valeurs limites et que ce chiffre atteint 90,6 % pour les pesticides.
- les contrôles (46 % ) et les normes (42 % ) : ces processus sont connus mais encore insuffisamment compris.
- la composition de l’eau (42 % ) et sa provenance (41 % ) : l’information sur l’eau doit trouver son ancrage dans la proximité et l’aspect local des données à communiquer.
Une méta-analyse de 71 articles a permis de mettre en évidence les principaux facteurs pouvant influencer la perception par le consommateur de la qualité de l’eau.
Les facteurs organoleptiques (le goût et l’odeur) sont les plus déterminants. En effet, le goût est utilisé par le consommateur pour juger de la qualité de l’eau et décider s’il est approprié de la consommer bien qu’il soit hautement subjectif. Il a été démontré qu’une eau dont la température est plus fraîche sera perçue comme ayant meilleur goût. Le contenant ayant également un impact sur cette perception puisque, à température équivalente, une eau servie dans un contenant spécifique sera perçue comme plus fraîche.
Quels sont les grands enseignements à tirer de ces chiffres ?
On peut distinguer trois axes de communication à renforcer pour aider les consommateurs à privilégier l’information à un ressenti subjectif.
- Savoir communiquer largement sur des faits simples. La pédagogie est là pour diminuer des croyances et renforcer un socle de connaissance de base et ainsi éviter le risque qu’une défiance disproportionnée s’installe à la moindre polémique
- L’importance de valoriser l’eau du robinet par son contenant et sa dénomination. Cela peut passer par la création de marques venant labelliser l’eau locale, ou la mise à disposition de carafes ou bouteilles pour valoriser l’eau et obtenir davantage d’adhésion
- Impliquer les municipalités et responsables locaux qui sont des maillons essentiels dans la communication du service de l’eau, reconnus par les consommateurs.