Pas de participation du public à la gestion de l’eau sans formation
A l’occasion de la conférence environnementale qui s’est tenue les 20 et 21 septembre 2013, 65 parlementaires ont demandé dans une tribune une réforme ambitieuse de la politique de l’eau. Pour démontrer le bien-fondé de leurs propositions, ils en appellent à une volonté des Français qui serait exprimée : « (…)nous appelons à une réforme ambitieuse des politiques publiques de l’eau, que des millions de nos concitoyens appellent de leurs voeux, comme en témoigne leur engagement croissant en faveur d’une gestion soutenable et équitable de ce bien commun qui nous rassemble ». En tant que professionnelle de l’information et observatrice du comportement et de l’opinion du public sur l’eau, je n’ai pas connaissance d’indicateurs qui permettent de soutenir que la réorganisation de l’eau est une des priorités quotidiennes du public.
Comme tous mes concitoyens, je suis consciente qu’il y a des sujets d’intérêt général dignes d’attention, mais, comme tous mes concitoyens, depuis quelques années, la gestion de mon quotidien m’en détourne régulièrement : conserver mon emploi, gérer au mieux mon budget mensuel, offrir un cadre rassurant à ma famille (source Tns Sofres pour l’ADEME 2012). Sans compter que pour nombre de sujets, je sais, comme mes concitoyens, qu’il me faudrait acquérir des connaissances pour participer de manière efficace au débat public (source Tns Sofres pour le CIeau 2012).
Aucune étude ni aucun sondage ne viennent étayer le fait que de très nombreux français s’engagent pour l’eau. En ne prenant que le Baromètre 2012 TNS Sofres/Centre d’information sur l’eau, on peut trouver des indices contraires. Le nombre de personnes qui ont conscience que « dans ma vie quotidienne, je contribue à la pollution de l’eau » diminue (72 % en 2011 et 69 % en 2012). L’attention apportée à la problématique du développement durable remporte un taux d’adhésion conséquent, mais pour des raisons économiques. Les personnes interrogées étaient 78 % en 2011 à éviter l’usage des pesticides ; elles ne sont plus « que » 75 % en 2012. Les connaissances sur l’eau font également défaut. Par exemple, 74 % des personnes ne savent pas que la municipalité fixe le prix de l’eau, plus d’un Français sur deux ignore à quoi sert la dépollution des eaux usées et croit que l’eau du robinet est une eau usée retraitée.
Quant à la participation des citoyens au débat public précédant une décision impactant l’environnement, on ne peut que constater qu’elle est limitée. Pourtant la Commission Nationale du Débat Public assure à tout participant une information préalable solide et une organisation adaptée. En 2011/2012, un débat public a été organisé sur le projet d’aménagement de La Bassée (barrages réservoirs du Bassin de la Seine). Potentiellement, près de 5 millions de riverains sont concernés par un risque lourd d’ inondation. 14 séances publiques ont réuni au total 1150 personnes (source : bilan d’activité 2002-2012 de la CNDP).
Tous les 5 ans, une consultation nationale sur l’eau est pilotée par chaque comité de bassin et organisée par l’agence de l’eau locale pour que chaque citoyen puisse donner son avis sur les grands enjeux de l’eau sur son territoire. La dernière consultation a eu lieu par internet de novembre 2012 à avril 2013. Des campagnes de sensibilisation ont été mises en place. Le bassin Seine Normandie vient de faire connaître son bilan : il a recueilli 2860 avis pour une population de 17,6 millions d’habitants.
Sans contexte, l’eau reste l’affaire de tous, et notamment celle des citoyens. Nombre d’instances sont ouvertes depuis longtemps à leurs représentants (associations de consommateurs, associations environnementales, syndicats…). Mais, pour que les citoyens partagent la conscience que la qualité de l’eau touche leur qualité de vie, cela passe par l’éducation, la formation et l’information de tous les publics, tout au long de leur vie. Le Centre d’information sur l’eau participe à ce mouvement dans la durée, de façon iterative, cohérente et convergente avec les actions des autres acteurs de la communauté de l’eau.