Traces de perchlorate dans l’eau : des mobilisations à succès
Pour la première fois en France, des traces de perchlorate d’ammonium ont été détectées dans des zones de captage d’eau potable : au printemps 2011 à Bordeaux et à l’automne 2012 dans deux départements du Nord. Distributeurs d’eau délégataires et pouvoirs publics sont à chaque fois intervenus avec rapidité et efficacité pour maintenir la continuité du service tout en respectant la sécurité sanitaire. Il m’a semblé intéressant de revenir sur ces évènements pendant lesquels les acteurs se sont mobilisés en toute transparence vis-à-vis des populations et des medias car ils démontrent que les parties prenantes sont des alliées pour gérer les crises de l’eau.
En juin 2011, du perchlorate d’ammonium est détecté dans une des sources d’eau potable alimentant Bordeaux. Le distributeur d’eau et les pouvoirs publics se trouvent dans une situation inédite : cette substance, qui n’avait jusqu’alors causé aucune pollution en Europe, ne faisait pas l’objet d’une norme de qualité et aucun laboratoire n’était en capacité de mener des analyses. Pourtant, la réaction est immédiate. Une surveillance est mise en place : elle permet de cartographier rapidement les zones de la communauté urbaine qui sont touchées et de connaître l’origine de la pollution (une ancienne poudrerie où le perchlorate était utilisé pour des applications civiles et militaires). Dès le 1er juillet, les captages les plus touchés sont fermés, des sites indemnes sont mis à contribution. En parallèle, le laboratoire de recherche du distributeur d’eau met en place en trois jours une méthode d’analyse : il lui aura fallu créer un protocole et se procurer le matériel et les réactifs capables de détecter des traces de perchlorate. Ainsi, à partir du 11 juillet, des analyses peuvent être réalisées chaque jour. Ce qui permet aux pouvoirs publics, dès le 21 juillet, avec l’avis de l’Agence Nationale de Sécurité Sanitaire (ANSES), de fixer les taux maximum de perchlorate dans l’eau potable : 15 microgrammes par litre pour les adultes et 4 microgrammes par litre pour protéger les nourrissons (ces valeurs ont été alignées sur les seules connues, celles existantes aux Etat-Unis). L’information du consommateur étant une obligation, un numéro vert a été mis à la disposition du public et une pédagogie a été faite auprès des medias locaux. Une fois l’alerte passée, Ont suivi un nouveau forage mais également des essais en laboratoire pour valider l’efficacité de traitements capables à l’avenir d’éliminer les traces de perchlorates dans l’eau du réseau.
Tirant les enseignements de cet évènement, le ministère de la Santé a pris les devants en mettant en place une campagne nationale d’analyses pour dresser un état des lieux avant fin 2012.
A l’automne 2012, ce sont quelques 500 communes des départements du Nord et du Pas de Calais qui s’avèrent être touchés par la présence de perchlorate au-delà des seuils fixés. Ici, la source précise de la pollution n’est pas identifiée mais il semblerait que les très nombreuses munitions de la Première Guerre mondiale toujours enterrées puissent être responsables. L’Agence Régionale de Santé, bénéficiant du retour d’expérience de Bordeaux, recommande aussitôt la restriction de consommation d’eau du robinet pour la boisson pour les femmes enceintes ou allaitantes et les nourrissons de moins de 6 mois. Les préfets prennent en retour un arrêté en ce sens. A nouveau, communiqués, mise à disposition d’un numéro vert permettent de rassurer tandis qu’on cherche les solutions palliatives.
Comme l’explique le Centre d’Information sur l’Eau, les perchlorates ne sont classés ni cancérogènes ni mutagènes par aucun organisme international mais ils pourraient induire une diminution dans la synthèse des hormones thyroïdiennes. Sans certitudes scientifiques, toutes les mesures prises le sont donc sur le principe de précaution.
On constate que l’efficacité d’action et l’effort de vérité dont ont fait preuve dans ces deux cas distributeurs d’eau et pouvoirs publics ont permis d’éviter cet emballement médiatique qui, dans bien des cas, a brouillé l’information jusqu’à faire le lit de rumeurs anxiogènes qui ne peuvent pas aider le public à faire ses choix.
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